Page:Verne - Clovis Dardentor, Hetzel, 1900.djvu/88

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Agathocle occupait sa place de la veille. Trois ou quatre nouveaux convives vinrent s’asseoir à la table. Peut-être le capitaine Bugarach fit-il la grimace ? Ces estomacs, à la diète depuis la veille, devaient être d’un vide à horrifier la nature. Quelle brèche au menu du déjeuner !

Pendant ce repas, et en dépit des observations qu’avait formulées Patrice, le dé de la conversation ne cessa de s’agiter entre les doigts de M. Dardentor. Mais, cette fois, notre Perpignanais parla moins de son passé et plus de son avenir, et par l’avenir, il entendait son séjour à Oran. Il comptait visiter toute la province, peut-être toute l’Algérie, peut-être s’aventurer jusqu’au désert… pourquoi pas ?… Et, à ce propos, il demanda s’il y avait toujours des Arabes en Algérie.

« Quelques-uns, dit Marcel Lornans. On les conserve pour la couleur locale.

— Et des lions ?…

— Une bonne demi-douzaine, répliqua Jean Taconnat, et encore sont-ils en peau de mouton avec des roulettes aux pattes…

— Ne vous y fiez pas, messieurs ! » crut devoir affirmer le capitaine Bugarach.

On mangea bien, on but mieux. Les nouveaux convives se rattrapèrent. On eût dit des tonneaux de Danaïdes attablés jusqu’à la bonde. Ah ! si M. Désirandelle eût été là… D’ailleurs, mieux valait qu’il n’y fût pas, car, à plusieurs reprises, les verres tintèrent contre les couverts, et les assiettes rendirent un son strident de vaisselle agitée.

Bref, midi avait déjà sonné, lorsque, le café bu, les liqueurs et pousse-liqueurs absorbés, toute la tablée se leva, quitta la salle à manger et vint chercher abri sous la tente de la dunette.

Seul, M. Oriental resta à sa place, ce qui amena Clovis Dardentor à demander quel était ce passager, si ponctuel à l’heure des repas, si désireux de se tenir à l’écart.

« Je l’ignore, répondit le capitaine Bugarach, et ne sais qu’une chose, c’est qu’il s’appelle M. Eustache Oriental.