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deux ans de vacances.

Ce fut tout ce que Briant se contenta de dire, et c’était suffisant pour que l’avenir apparût avec ses nombreuses et inquiétantes éventualités. Malgré cela, Gordon accueillit la nouvelle sans montrer trop de découragement.

« Bon ! je m’y attendais, semblait-il dire, et cela ne me trouble pas autrement ! »

Le lendemain, dès l’aube – 5 avril – les grands, Gordon, Briant, Doniphan, Baxter, Cross, Wilcox, Service, Webb, Garnett – et aussi Moko, qui était de bon conseil – se réunirent sur l’avant du yacht, tandis que les autres dormaient encore. Briant et Doniphan prirent tour à tour la parole et mirent leurs camarades au courant de ce qui s’était passé. Ils dirent comment une chaussée de pierre, jetée en travers d’un ruisseau, les restes d’un ajoupa, enfoui sous un épais fourré, leur avaient donné à croire que le pays était ou avait été habité. Ils expliquèrent comment cette vaste étendue d’eau, qu’ils avaient d’abord prise pour une mer, n’était qu’un lac, comment de nouveaux indices les avaient conduits jusqu’à la caverne, près de l’endroit où le rio sortait du lac, comment les ossements de François Baudoin, français d’origine, avaient été découverts, comment enfin la carte, dressée par le naufragé, indiquait que c’était une île sur laquelle était venu se perdre le Sloughi.

Ce récit fut fait minutieusement, sans que Briant ni Doniphan omissent le moindre détail. Et tous, maintenant, regardant cette carte, comprenaient bien que le salut ne pouvait leur venir que du dehors !

Cependant, si l’avenir se présentait sous les plus sombres couleurs, si les jeunes naufragés n’avaient plus à mettre leur espoir qu’en Dieu, celui qui s’effraya le moins – il convient d’insister sur ce point – ce fut Gordon. Le jeune Américain n’avait point de famille qui l’attendît en Nouvelle-Zélande. Aussi, avec son esprit pratique, méthodique, organisateur, la tâche de fonder pour ainsi dire une petite colonie n’avait-elle rien pour l’effrayer. Il voyait là une occasion d’exercer ses goûts naturels, et il n’hésita pas à