Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/123

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Gramont. N’oubliez pas que ce policier est un homme des plus dangereux…

— Dangereux !… murmura Jean.

— Et dont il faudra particulièrement vous défier, ajouta Sébastien Gramont.

— S’en défier ! répondit Jean. Oui ! s’en défier comme d’un misérable !…

— Est-ce que vous le connaissez ?…

— Je le connais, répliqua Jean, qui avait repris son sang-froid, mais il ne me connaît pas encore !…

— C’est l’important ! » ajouta Sébastien Gramont, assez surpris de l’attitude de son hôte.

D’ailleurs, Jean, reportant la conversation sur un autre sujet, interrogea l’avocat à propos de la politique du Parlement pendant ces dernières semaines.

« À la Chambre, répondit Sébastien Gramont, l’opposition est à l’état aigu. Papineau, Cuvillier, Viger, Quesnel, Bourdages, attaquent les actes du Gouvernement. Lord Gosford voudrait proroger la Chambre, mais il sent bien que ce serait soulever le pays…

— Dieu veuille qu’il ne le fasse pas avant que nous soyons prêts ! répondit Jean. Que les chefs ne précipitent pas imprudemment les choses !…

— Ils seront avertis, Jean, et ils ne feront rien qui puisse contrarier vos projets. Toutefois, en prévision d’une insurrection possible et qui éclaterait dans un délai rapproché, des mesures ont été prises par le gouverneur général. Sir John Colborne a concentré les troupes dont il pouvait disposer, de manière à les porter rapidement vers les principales bourgades des comtés du Saint-Laurent, où, dit-on, s’engagera probablement la lutte…

— Là et sur vingt autres points à la fois — je l’espère, du moins, répondit Jean. Il importe que toute la population canadienne se lève au même jour, à la même heure, et que les bureaucrates soient accablés par le nombre ! Si le mouvement n’était que local, il risquerait