Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/187

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Pierre Harcher remarqua même un homme, dont l’attitude lui parut suspecte. Bien évidemment, cet inconnu n’était pas du pays. Pierre ne l’y avait jamais vu, et il lui sembla que cet intrus cherchait à dévisager les gens de la ferme.

Pierre avait raison de se défier de cet homme. C’était un des policiers qui avaient reçu l’ordre de « filer » M. de Vaudreuil depuis son départ de la villa Montcalm. Rip, lancé à la piste de Jean-Sans-Nom, que l’on croyait caché aux environs de Montréal, avait détaché cet agent avec mandat d’observer non seulement M. de Vaudreuil, mais aussi la famille de Thomas Harcher, dont on connaissait les opinions réformistes.

Cependant, en marchant l’un près de l’autre, M. de Vaudreuil, sa fille et Jean s’entretenaient du retard que celui-ci avait éprouvé pour se rendre à la ferme.

« J’ai su par Pierre, dit Clary, que vous l’avez quitté afin d’aller visiter Chambly et les paroisses voisines.

— En effet, répondit Jean.

— Venez-vous directement de Chambly ?

— Non, j’ai dû parcourir le comté de Saint-Hyacinthe, d’où je n’ai pu revenir aussitôt que je l’aurais voulu. J’ai été forcé de faire un détour par la frontière.

— Est-ce que les agents étaient sur vos traces ? demanda M. de Vaudreuil.

— Oui, répondit Jean, mais j’ai pu, sans trop de peine, les dérouter encore une fois.

— Chaque heure de votre vie est un danger ! répondit Mlle de Vaudreuil. Il n’y a pas un instant où vos amis ne tremblent pour vous ! Depuis que vous avez quitté la villa Montcalm, nos inquiétudes n’ont pas cessé !

— Aussi, répondit Jean, ai-je hâte d’en finir avec cette existence qu’il me faut disputer continûment, hâte d’agir au grand jour, face à face avec l’ennemi ! Oui ! il est temps que le combat s’engage, et cela ne tardera pas ! Mais, en ce moment, oublions l’avenir pour le