Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et l’on portait aussi la santé de M. et de Mlle de Vaudreuil, la santé de Catherine et de Thomas Harcher. Maître Nick avait grandement fait accueil au repas. S’il n’avait pu conserver la dignité froide d’un Mahoganni, c’est que, véritablement, c’était absolument contraire à sa nature ouverte et communicative. Mais, il faut le dire, les représentants de sa tribu, eux aussi, s’étaient quelque peu départis de leur gravité atavique sous l’influence de la bonne chère et du bon vin. Ils choquaient leurs verres, à la mode française, pour saluer la famille Harcher, dont ils étaient les hôtes d’un jour.

Au dessert, Lionel, qui ne pouvait tenir en place, circulait autour de la table avec un compliment à l’adresse de chaque convive. C’est alors qu’il lui vint à l’idée de s’adresser à maître Nick d’une voix redondante :

« Nicolas Sagamore ne prononcera-t-il pas quelques paroles au nom de la tribu des Mahogannis ! »

Dans l’heureuse disposition d’esprit où il se trouvait, maître Nick ne reçut point mal la proposition de son jeune clerc, bien que celui-ci eût employé le langage emphatique des Indiens.

« Tu penses, Lionel ?… répondit-il.

— Je pense, grand chef, que l’instant est venu de prendre la parole pour féliciter les jeunes époux !

— Puisque tu crois que c’est l’instant, répondit maître Nick, je vais essayer ! »

Et l’excellent homme, se levant, réclama le silence par un geste empreint de dignité huronne.

Le silence se fit aussitôt.

« Jeunes époux, dit-il, un vieil ami de votre famille ne peut vous quitter, sans exprimer sa reconnaissance pour… »

Soudain maître Nick s’arrêta. La phrase commencée resta suspendue à ses lèvres. Ses regards étonnés s’étaient dirigés vers la porte de la grande salle.

Un homme se tenait sur le seuil, sans que personne eût remarqué son arrivée.