Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/238

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décidé à conserver la plus stricte neutralité, il n’en faisait pas moins des vœux pour Jean-Sans-Nom et pour tous ses défenseurs, parmi lesquels il comptait tant d’amis personnels.

Malheureusement, en dépit de tout leur courage, les habitants de la ferme ne purent l’emporter contre le nombre des agents et des volontaires, qui parvinrent à reprendre l’avantage. Ils durent rétrograder peu à peu vers la maison, puis y chercher refuge. La salle ne tarderait pas à être envahie. Toute issue serait coupée, et Jean-Sans-Nom n’aurait plus qu’à se rendre.

En réalité, les forces des assiégés diminuaient sensiblement. Déjà, deux des aînés de Thomas Harcher, Michel et Jacques, ainsi que trois ou quatre autres de leurs compagnons, avaient dû être transportés dans une des chambres contiguës, où Clary de Vaudreuil, Catherine et les autres femmes leur donnaient des soins.

La partie était perdue, si un renfort inespéré n’arrivait pas à Jean-Sans-Nom et à ses compagnons, d’autant plus que les munitions allaient bientôt leur manquer.

Soudain un revirement se produisit.

Lionel venait de se précipiter dans la salle, couvert de sang par suite d’une blessure, peu grave heureusement, qui lui avait déchiré l’épaule.

Maître Nick l’aperçut.

« Lionel !… Lionel ! s’écria-t-il. Tu n’as pas voulu m’écouter !… Insupportable enfant ! »

Et saisissant son jeune clerc par le bras, il voulut l’entraîner dans la chambre des blessés.

Lionel s’y refusa.

« Ce n’est rien !… Ce n’est rien !… dit-il. Mais, Nicolas Sagamore, laisserez-vous vos amis succomber, quand vos guerriers n’attendent qu’un mot pour les secourir !…

— Non !… Non ! s’écria maître Nick ! Je n’en ai pas le droit !… M’insurger contre les autorités régulières ! »

Et, en même temps, voulant tenter un suprême effort, il se jeta au milieu des combattants pour les arrêter par ses objurgations.