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« Fuyez, tyrans ! Le peuple se réveille ! »

« Union des peuples, terreur des grands ! »

« Plutôt une lutte sanglante que l’oppression d’un pouvoir corrompu ! »

Un pavillon noir, sur lequel se dessine une tête de mort avec deux os en croix, dénonce les noms de ces gouverneurs détestés, Craig, Dalhousie, Aylmer, Gosford. Enfin, à l’honneur de l’ancienne France, un pavillon blanc porte d’un côté l’aigle américain environné d’étoiles, de l’autre l’aigle canadien, tenant dans son bec une branche d’érable avec ces mots :

« Notre avenir ! Libres comme l’air ! »

On voit à quel degré s’élève la surexcitation des esprits. L’Angleterre peut craindre que la colonie brise d’un seul coup le lien qui la rattache à elle. Les représentants de son autorité au Canada prennent d’importantes mesures en prévision d’une lutte suprême, tout en ne voulant voir que les menées d’une faction là où il s’agit d’un élan national.

Le 23 octobre, une assemblée se réunit à Saint-Charles, cette même bourgade où Jean-Sans-Nom s’était réfugié chez sa mère, et qui allait devenir le théâtre d’événements tristement célèbres. Les six comtés de Richelieu, de Saint-Hyacinthe, de Rouville, de Chambly, de Verchères, de l’Acadie, ont envoyé leurs représentants. Treize députés doivent y prendre la parole, et parmi eux, Papineau, alors au point culminant de sa popularité. Plus de six mille personnes, hommes, femmes, enfants, accourus de dix lieues à la ronde, sont campés dans une vaste prairie, appartenant au docteur Duvert, autour d’une colonne surmontée du bonnet de la Liberté. Et pour qu’il fût bien compris que l’élément militaire faisait cause commune avec l’élément civil, une compagnie de miliciens agite ses armes au pied de cette colonne.

Papineau prononce un discours, après quelques autres orateurs plus fougueux que lui, et peut-être paraît-il trop modéré en conseillant de se maintenir sur le terrain de l’agitation constitutionnelle. Aussi,