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village de Saint-Albans, avaient franchi la frontière américaine et s’étaient portés vers Saint-Charles, résolus à faire leur devoir jusqu’au bout.

D’ailleurs, il convient de le reconnaître, personne ne doutait du succès définitif, ni les chefs politiques du parti de l’opposition, ni M. de Vaudreuil et ses amis, ni Thomas Harcher, ni Pierre, Rémy, Michel, Tony et Jacques, ses vaillants fils, ni aucun des habitants de la bourgade, surexcités à la pensée qu’il viendrait d’eux, ce dernier coup porté à la tyrannie anglo-saxonne.

Cependant, avant d’attaquer Saint-Charles, le lieutenant-colonel Witherall avait avisé Brown et ses compagnons que, s’ils voulaient se soumettre, il ne leur serait rien fait.

Cette proposition fut repoussée unanimement par les compagnons de Brown. Pour que les royaux l’eussent faite, il fallait qu’ils se sentissent incapables de forcer le camp. Non ! on ne leur permettrait pas d’arriver à Saint-Denis pour y exercer de sanglantes représailles ! Dès que la colonne Witherall se présenterait, on la repousserait, on la disperserait. C’était une nouvelle défaite qui attendait les royalistes — défaite complète, cette fois, et qui assurerait la victoire définitive ! Ainsi pensait-on dans les rangs des patriotes.

Ce serait se méprendre, pourtant, que de croire que les défenseurs du camp fussent nombreux. Rien qu’une poignée d’hommes, mais l’élite du parti. Tant chefs que soldats, ils n’étaient que deux cents au plus, armés de faux, de piques, de bâtons, de fusils à pierre, et pour répondre à l’artillerie royale, n’ayant que deux canons à peu près hors de service.

Tandis qu’ils se préparaient à la recevoir, la colonne Witherall marchait rapidement sans être arrêtée par les obstacles que l’hiver accumule en ces régions. Le temps était froid, la terre sèche. Aussi, les hommes allaient-ils d’un bon pas, et les bouches à feu roulaient sur le sol durci, sans avoir à se tirer des neiges ou des fondrières.

Les réformistes les attendaient. Enthousiasmés par leur dernière