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Jean n’eut pas de peine à convaincre M. de Vaudreuil et sa fille. Bridget approuva. Malheureusement, on ne devait pas songer à partir cette nuit même. Le jour venu, Bridget chercherait à se procurer un véhicule quelconque. Ainsi, à la nuit prochaine l’exécution du projet.

Le jour vint. Bridget avait pensé que mieux valait agir ouvertement. Nul ne trouverait singulier qu’elle se fût décidée à fuir le théâtre de l’insurrection. Nombre d’habitants l’avaient déjà fait, et, de sa part, cette résolution ne pourrait surprendre personne.

Tout d’abord, son intention avait été de ne point accompagner M. de Vaudreuil, Clary et Jean. Mais son fils lui fit aisément comprendre que, le départ une fois annoncé, si ses voisins la revoyaient encore à Saint-Charles, ils soupçonneraient que la charrette louée avait dû servir à quelque patriote caché dans Maison-Close, que les agents de la police finiraient par l’apprendre, qu’ils s’en prendraient à elle, et que, dans son intérêt comme dans celui de M. et Mlle de Vaudreuil, il ne fallait point fournir le motif de procéder à une enquête.

Bridget dut se rendre à ces très sérieuses raisons. Lorsque la période de troubles serait achevée, elle reviendrait à Saint-Charles, et finirait sa misérable vie au fond de cette maison, dont elle avait espéré ne jamais sortir !

Ces questions définitivement résolues, Bridget s’occupa de se procurer un moyen de transport. Ne fût-ce qu’une charrette, elle suffisait pour atteindre le comté de Laprairie, que les colonnes royales ne menaçaient pas encore, Bridget quitta donc sa maison dès le matin. Elle était munie de l’argent nécessaire à la location, ou plutôt à l’acquisition du véhicule, — argent qui lui avait été remis par M. de Vaudreuil.

Pendant son absence, Jean et Clary ne s’éloignèrent pas de la chambre de M. de Vaudreuil. Celui-ci avait retrouvé toute son énergie. Devant l’effort qu’il aurait à faire pour supporter ce voyage, il sentait que la force physique ne lui ferait pas défaut. Déjà même, une sorte