Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/318

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Un peu avant sept heures, on heurta légèrement à la porte. Était-ce le fermier qui, devançant le moment convenu, amenait la charrette ? En tout cas, ce ne pouvait être une main ennemie qui frappait avec cette réserve.

Jean et Clary se retirèrent dans la chambre de M. de Vaudreuil dont ils laissèrent la porte entrebâillée.

Bridget gagna l’extrémité du couloir et ouvrit, après avoir reconnu la voix de Luc Archambaut.

L’honnête fermier venait prévenir Mme Bridget qu’il lui était impossible de tenir son engagement, et il lui rapportait le prix de cette charrette, dont il ne pouvait opérer la livraison.

En effet, les soldats occupaient sa ferme, comme les fermes environnantes.

Quant à la bourgade, elle était cernée, et, alors même que la charrette eût été mise à sa disposition, Mme Bridget n’aurait pu en faire usage.

Il fallait attendre, bon gré mal gré, que Saint-Charles fût définitivement évacué.

Jean et Clary, de la chambre où ils se tenaient immobiles, entendaient ce que disait Luc Archambaut. M. de Vaudreuil également.

Le fermier ajouta que Mme Bridget n’avait rien à craindre pour Maison-Close, que si les habits-rouges étaient revenus à Saint-Charles, ce n’était que pour prêter main-forte à la police, laquelle commençait à pratiquer des perquisitions chez les habitants… Et pourquoi ?… Parce que, d’après certains bruits, Jean-Sans-Nom avait dû se réfugier dans la bourgade, où tous les moyens seraient employés pour le découvrir.

En entendant le fermier prononcer le nom de son fils, Bridget ne fit pas un mouvement qui pût la trahir.

Luc Archambaut se retira alors, et Bridget, rentrant dans la chambre, dit :

« Jean, fuis ! à l’instant !