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laissait pas de le tourmenter, à mesure que s’approchait le grand jour.

Sur ces entrefaites — heureusement pour l’héritier des Sagamores — de graves événements se produisirent, qui firent diversion aux projets des Mahogannis.

Le 23, une importante nouvelle parvint à Walhatta. Les patriotes de Saint-Denis — ainsi que cela a été raconté — avaient repoussé les royaux, commandés par le colonel Gore.

Cette nouvelle provoqua de nombreuses démonstrations de joie chez les Hurons. On a déjà vu, à la ferme de Chipogan, que leurs sympathies étaient acquises à la cause de l’indépendance, et il n’eût fallu qu’une occasion pour qu’ils se joignissent aux Franco-Canadiens.

Ce n’était pas cette victoire — maître Nick le comprenait bien — qui pourrait engager les guerriers de sa tribu à suspendre les préparatifs de la fête en son honneur. Au contraire, ils ne la célébreraient qu’avec plus d’enthousiasme, et leur chef n’échapperait point aux honneurs du couronnement.

Mais, trois jours plus tard, aux bonnes nouvelles succédèrent les mauvaises. Après la victoire de Saint-Denis, la défaite de Saint-Charles !

En apprenant à quelles sanglantes représailles s’étaient livrés les loyalistes, quels avaient été leurs excès, pillage, incendies, meurtres, ruine de deux bourgades, les Mahogannis ne purent contenir leur indignation. De là à se lever en masse pour venir au secours des patriotes, il n’y avait qu’un pas, et maître Nick put craindre qu’il fût aussitôt franchi.

C’est alors que le notaire, déjà quelque peu compromis vis-à-vis des autorités de Montréal, se demanda s’il n’allait pas l’être tout à fait. Serait-il donc contraint de se mettre à la tête de ses guerriers, de faire cause commune avec l’insurrection ? En tout cas, il ne pouvait plus être question de cérémonies en ces circonstances. Mais, de quelle façon il accueillit Lionel, lorsque son jeune clerc vint lui