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déplaire à maître Nick. Gagner du temps, et, avec le temps, voir un certain apaisement se produire, c’est à cela que tendaient tous ses vœux.

Et, à cet égard, nouveau désaccord entre lui et son jeune clerc, qui exécrait les loyalistes. Ces dernières informations l’avaient accablé. Il n’était plus question de plaisanter, maintenant ! Il ne jouait plus du sentier de la guerre, ni de la hache à déterrer, ni du sang des Sagamores, ni de tout son étalage habituel de métaphores indiennes ! Il ne songeait qu’à la cause nationale, si compromise ! Cet héroïque Jean-Sans-Nom, qu’était-il devenu ? Avait-il succombé à Saint-Charles ? Non ! La nouvelle de sa mort eût circulé, et les autorités n’auraient rien négligé pour la répandre. On l’eût apprise à Chipogan comme à Walhatta. Et pourtant, s’il avait survécu, où était-il actuellement ? Lionel aurait risqué sa vie pour le savoir.

Plusieurs jours s’écoulèrent. Rien de changé dans la situation. Les patriotes se préparaient-ils à reprendre l’offensive ? Une ou deux fois, le bruit en arriva jusqu’au village des Mahogannis, mais il ne se confirma pas. D’ailleurs, par ordre de lord Gosford, les recherches se poursuivaient dans les comtés de Montréal et de Laprairie. De nombreux détachements occupaient les deux rives du Richelieu. D’incessantes perquisitions tenaient en alerte les habitants des bourgades et des fermes. Sir John Colborne avait ses colonnes prêtes à se porter en n’importe quel endroit où flotterait le drapeau de la rébellion. Si les patriotes se hasardaient à franchir la frontière américaine, ils se heurteraient à des forces considérables.

Le 5 décembre, Lionel, qui était allé aux informations du côté de Chambly, apprit que la loi martiale venait d’être proclamée dans le district de Montréal. En même temps, le gouverneur général offrait une récompense de quatre mille piastres à quiconque livrerait le député Papineau. D’autres primes étaient aussi allouées pour la capture des chefs — entre autres, M. de Vaudreuil et Vincent Hodge. On disait également qu’un certain nombre de réformistes étaient détenus dans les prisons de Montréal et de Québec, que leur procès s’instrui-