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ressentirent, lorsque l’abbé Joann, en apprenant l’arrestation de Jean s’écria :

« Mon frère !… »

Puis :

« Je l’arracherai à la mort ! dit-il.

— Laissez-moi partir avec vous !… dit Lionel.

— Viens, mon enfant ! » répondit l’abbé Joann.


VII
le fort de frontenac.


Jean était comme fou, au moment où il avait fui Maison-Close. L’incognito de sa vie brutalement déchiré, les funestes paroles de Rip surprises par Clary, Mlle de Vaudreuil sachant que c’était chez la femme, chez le fils de Simon Morgaz que son père et elle avaient trouvé refuge, M. de Vaudreuil l’apprenant bientôt s’il ne l’avait entendu du fond de sa chambre, tout cela se confondait dans une pensée de désespoir. Rester en cette maison, il ne l’aurait pu — même un instant. Sans s’inquiéter de ce que deviendraient M. et Mlle de Vaudreuil, sans se demander si le nom infamant de sa mère les protégerait contre toute poursuite ultérieure, sans se dire que Bridget ne voudrait pas demeurer dans cette bourgade où son origine allait être connue, d’où on la chasserait sans doute, il s’était élancé à travers les épaisses forêts, il avait couru toute la nuit, ne se trouvant jamais assez loin de ceux pour lesquels il ne pouvait plus être qu’un objet de mépris et d’horreur.

Et, pourtant, son œuvre n’était pas accomplie ! Son devoir, c’était de combattre, puisqu’il vivait encore ! C’était de se faire tuer, avant que