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M. de Vaudreuil avait voulu obtenir de sa fille qu’elle se réfugiât à Schlosser, afin d’y attendre l’issue de cette attaque. Clary refusa de le quitter.

« Mon père, dit-elle, je dois rester près de vous, j’y resterai. C’est mon devoir.

— Et si je tombe entre les mains des royaux ?…

— Eh bien ! ils ne me refuseront pas de partager votre prison, mon père.

— Et si je suis tué, Clary ?… »

La jeune fille ne répondit pas, mais M. de Vaudreuil ne put parvenir à vaincre sa résistance. Aussi était-elle près de lui, lorsqu’il vînt prendre place au milieu des patriotes, rassemblés devant la maison.

Les détonations éclataient alors avec une extrême violence. La position du campement allait devenir intenable. Cependant la tentative de débarquement ne s’effectuait pas encore. Autrement, ceux des bonnets bleus qui étaient postés derrière les épaulements en eussent donné avis.

Devant la maison se trouvaient Vincent Hodge, Clerc et Farran, Thomas, Pierre, Michel et Jacques Harcher. Là aussi, maître Nick et Lionel, les guerriers mahoganniens, froids et calmes, comme toujours.

M. de Vaudreuil prit la parole :

« Mes compagnons, dit-il, nous avons à défendre le dernier rempart de notre indépendance. Si Mac Nab s’en rend maître, l’insurrection est vaincue, et qui sait quand de nouveaux chefs et de nouveaux soldats pourront recommencer la lutte ! Si nous repoussons les assaillants, si nous parvenons à nous maintenir, des secours arriveront de tous les points du Canada. Nos partisans reprendront espoir, et nous ferons de cette île une imprenable forteresse, où la cause nationale trouvera toujours un point d’appui. — Êtes-vous décidés à la défendre ?

— Jusqu’à la mort ! répondit Vincent Hodge.

— Jusqu’à la mort ! » répétèrent ses compagnons.