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— Non !… non !… » répondait Simon Morgaz, mais d’une voix si faible qu’on avait peine à l’entendre.

La famille, errant de village en village, arriva ainsi vers l’extrémité occidentale du lac, à quelques milles du fort de Toronto. En contournant le littoral, il suffirait de descendre jusqu’à la rivière de Niagara, de la traverser à l’endroit où elle se jette dans le lac pour être enfin sur la rive américaine.

Était-ce donc là que Simon Morgaz voulait s’arrêter ? Ne valait-il pas mieux, au contraire, s’enfoncer plus profondément vers l’ouest, afin d’atteindre une contrée si lointaine que la renommée d’infamie n’y fût point arrivée encore ? Mais quel lieu cherchait-il ? Sa femme ni ses fils ne pouvaient le savoir, car il allait toujours devant lui, et ils ne faisaient que le suivre.

Le 3 décembre, vers le soir, ces infortunés, exténués de fatigue et de besoin, firent halte dans une caverne, à demi obstruée de broussailles et de ronces — quelque repaire de bête fauve, abandonné en ce moment. Le peu de provisions qui leur restaient avait été déposé sur le sable. Bridget succombait sous le poids des lassitudes physiques et morales.

À tout prix, il faudrait que la famille Morgaz, au plus prochain village, obtînt d’une tribu indienne quelques jours de cette hospitalité que les Canadiens lui refusaient sans pitié.

Joann et Jean, torturés par la faim, mangèrent un peu de venaison froide. Mais, ce soir-là, Simon Morgaz et Bridget ne voulurent ou ne purent rien prendre.

« Père, il faut refaire tes forces ! » dit Jean.

Simon Morgaz ne répondit pas.

« Mon père, dit alors Joann, — et ce fut la seule fois qu’il lui adressa la parole depuis le départ de Chambly — mon père, nous ne pouvons aller plus loin !… Notre mère ne résisterait pas à de nouvelles fatigues !… Nous voici presque à la frontière américaine !… Comptez-vous passer au delà ? »

Simon Morgaz regarda son fils aîné, et ses yeux s’abaissèrent presque aussitôt. Joann insista.