Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/91

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M. de Vaudreuil — étaient deux anciens officiers de la milice canadienne. Cassés de leurs grades après le jugement du 25 septembre qui avait envoyé leurs frères à l’échafaud, condamnés eux-mêmes à la prison perpétuelle, ils n’avaient recouvré la liberté que grâce à l’amnistie dont M. de Vaudreuil avait profité pour son propre compte. Le parti national voyait en eux deux hommes d’action, qui ne demandaient qu’à risquer une seconde fois leur vie dans une nouvelle prise d’arme. Ils étaient énergiques, faits aux dures fatigues par l’habitude qu’ils avaient des grandes chasses à travers les forêts et les plaines du comté des Trois-Rivières, où ils possédaient de vastes propriétés.

Dès que Vincent Hodge eut serré la main de M. de Vaudreuil, il lui posa cette question : Était-il informé que Farran, Clerc et lui eussent été convoqués par lettres personnelles ?

« Oui, répondit M. de Vaudreuil, et, sans doute, la lettre que vous avez reçue à ce sujet, comme celle qui m’en a donné avis, était signée un Fils de la Liberté ?

— En effet, répondit Farran.

— Tu n’as pas vu là quelque embûche ? demanda William Clerc en s’adressant à M. de Vaudreuil. En provoquant ce rendez-vous, ne veut-on pas nous prendre en flagrant délit de conciliabule ?

— Le conseil législatif, répondit M. de Vaudreuil, n’a pas encore enlevé aux Canadiens le droit de se réunir les uns chez les autres, que je sache !

— Non, dit Farran, mais, enfin, le signataire de cette lettre, aussi suspecte que le serait une lettre anonyme, quel est-il, et pourquoi n’a-t-il pas mis son vrai nom ?…

— Cela est évidemment singulier, répondit M. de Vaudreuil, d’autant plus que ce personnage, quel qu’il soit, ne dit même pas s’il a l’intention de se présenter à ce rendez-vous ? La lettre que j’ai reçue m’informe simplement que vous devez venir tous trois ce soir à la villa Montcalm…