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portion de mer, que dominait l’îlot, quoique l’une des plus fréquentées du globe, restait invariablement déserte. Mais, officiers et soldats n’éprouvaient ni la moindre inquiétude, ni la moindre surprise, ni, par conséquent, le plus léger symptôme de découragement. Tous faisaient leur service comme à l’ordinaire et montaient régulièrement leur garde. Régulièrement aussi, le brigadier et le major passaient la revue de la garnison. Tous, d’ailleurs, se trouvaient parfaitement bien d’un régime qui les engraissait à vue d’œil, et si les deux officiers résistaient à ces menaces d’obésité, c’est que leur grade leur interdisait tout excès d’embonpoint de nature à compromettre l’uniforme.

En somme, ces Anglais passaient convenablement le temps sur cet îlot. Les deux officiers, ayant le même caractère et les mêmes goûts, s’accordaient en tous points. Un Anglais, d’ailleurs, ne s’ennuie jamais, à moins que ce ne soit dans son pays, — et encore n’est-ce que pour se conformer aux exigences de ce qu’il nomme le « cant ».

Quant à ceux de leurs compagnons qui avaient disparu, ils les regrettaient, sans doute, mais avec une réserve toute britannique Étant donné, d’une part, qu’ils étaient dix-huit cent quatre-vingt-quinze hommes avant la catastrophe, d’autre part, qu’ils ne s’étaient plus retrouvés que treize après, une simple soustraction leur avait appris que dix-huit cent quatre-