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auquel on devait la présence des eaux de la mer — avait, au moment du cataclysme, modifié la contexture de ce cadre.

Quoi qu’il en soit, dans cette partie méridionale de Gallia, on ne voyait plus aucun vestige d’une terre européenne. Partout, la nouvelle substance avait remplacé l’ancien sol. Plus rien de ces campagnes accidentées de la Provence, ni ces jardins d’orangers et de citronniers dont l’humus rougeâtre s’étageait sur des assises de pierres sèches, ni ces bois d’oliviers au feuillage glauque, ni les grandes allées de poivriers, de micocouliers, de mimosas, de palmiers et d’eucalyptus, ni ces buissons de géraniums géants, plaqués çà et là de semelles du pape et surmontés de longs jets d’aloès, ni les roches oxydées du littoral, ni les montagnes d’arrière-plan avec leur sombre rideau de conifères.

Là, rien du règne végétal, puisque la moins exigeante des plantes polaires, le lichen des neiges lui-même, n’eût pu végéter sur ce sol pierreux ! Rien du règne animal, puisqu’aucun oiseau, ni les puffins, ni les pétrels, ni les guillemots des régions arctiques n’auraient trouvé de quoi y vivre un seul jour !

C’était le règne minéral dans toute son horrible aridité.

Le capitaine Servadac était en proie à une émotion à laquelle son caractère insouciant, semblait-il, aurait dû le soustraire. Immobile sur le sommet d’un roc