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LA DESTINÉE DE JEAN MORÉNAS.

condamné que rien ne désignait spécialement à son attention ? Comment s’appelait-il seulement ? Jean s’aperçut qu’il n’avait même pas pensé à demander le nom de son sauveur.

Si, à cet oubli, il n’était plus de remède, cela, en somme, n’importait guère. L’essentiel était de ne plus traîner les fers qui lui avaient si longtemps meurtri les os. Le reste s’expliquerait plus tard ou jamais. Une chose sûre, en tous cas, c’est qu’il était seul au bord d’une route déserte, de l’or en poche, nanti de papiers réguliers, et aspirant à pleins poumons l’air enivrant de la liberté.

Jean Morénas se mit en marche. On lui avait dit d’aller du côté de Marseille. C’est donc vers Marseille qu’il se dirigea, sans même y penser. Mais ce fut pour s’arrêter dès les premiers pas.

Marseille, la Marie-Magdeleine, Valparaiso du Chili, se refaire une vie, chansons que tout cela ! Était-ce pour se « refaire une vie » dans des contrées lointaines qu’il avait souhaité si fort la liberté ? Non, non ! pendant son long emprisonnement, il n’avait rêvé que d’un seul pays : Sainte-Marie-des-Maures, que d’un seul être au monde : Marguerite. C’était le regret du village et le souvenir de Marguerite qui avaient fait le bagne si cruel, les chaînes si pesantes. Et maintenant, il partirait sans même essayer de les revoir ? Allons donc ! mieux