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L’ÉTERNEL ADAM.

vions alors à peu près sur l’ancien emplacement de Buenos-Ayres — le capitaine Morris laissa tomber les feux et mit à la voile. Cela fait, il réunit tout le personnel de la Virginia, équipage et passagers, et nous ayant exposé en peu de mots la situation, il nous pria d’y réfléchir mûrement et de proposer la solution qui aurait nos préférences au conseil qui serait tenu le lendemain.

Je ne sais si quelqu’un de mes compagnons d’infortune se fût avisé d’un expédient plus ou moins ingénieux. Pour ma part, j’hésitais, je l’avoue, très incertain du meilleur parti à prendre, quand une tempête qui s’éleva dans la nuit trancha la question : il nous fallut fuir dans l’Ouest, emportés par un vent déchaîné, à chaque instant sur le point d’être engloutis par une mer furieuse.

L’ouragan dura trente-cinq jours, sans une minute d’interruption, voire même de détente. Nous commencions à désespérer qu’il finît jamais, lorsque, le 19 août, le beau temps revint avec la même soudaineté qu’il avait cessé. Le capitaine en profita pour faire le point : le calcul lui donna 40° de latitude Nord et 114° de longitude Est. C’étaient les coordonnées de Pékin !

Donc, nous avions passé au-dessus de la Polynésie, et peut-être de l’Australie, sans même nous en rendre compte, et là où nous voguions maintenant s’étendait jadis la capitale d’un empire de quatre cents millions d’âmes !