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M. RÉ-DIÈZE ET Mlle MI-BÉMOL.

n’ose l’avertir. Et pourtant le souffleur est descendu par l’étroit escalier de la tribune…

Eglisak ne cesse pas de jouer. Et toute la soirée ce fut ainsi, toute la nuit également, et, le lendemain encore, il promenait ses doigts sur le clavier muet. Il fallut l’entraîner… le pauvre homme se rendit compte enfin. Il était sourd. Mais cela ne l’empêcherait pas de finir sa fugue. Il ne l’entendrait pas, voilà tout.

Depuis ce jour, les grandes orgues ne résonnaient plus dans l’église de Kalfermatt.


IV


Six mois se passèrent. Vint novembre, très froid. Un manteau blanc couvrait la montagne et traînait jusque dans les rues. Nous arrivions à l’école le nez rouge, les joues bleuies. J’attendais Betty au tournant de la place. Qu’elle était gentille sous sa capeline rabattue !

« C’est toi, Joseph ? disait-elle.

— C’est moi, Betty. Cela pince, ce matin. Enveloppe-toi bien ! Ferme ta pelisse…

— Oui, Joseph. Si nous courrions ?

— C’est cela. Donne-moi tes livres, je les porterai. Prends garde de t’enrhumer. Ce serait un vrai malheur de perdre ta jolie voix…