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KÉRABAN-LE-TÊTU.

À cet instant, un coup de canon retentit au loin. Le soleil venait de se coucher sous l’horizon de la mer de Marmara, le jeûne du Ramadan était fini, et les fidèles sujets du Padischah pouvaient se dédommager des abstinences de cette longue journée.

Soudain, comme au coup de baguette de quelque génie, Constantinople se transforma. Au silence de la place de Top-Hané succédèrent des cris de joie, des hurrahs de plaisir. Les cigarettes, les chibouks, les narghilés s’allumèrent, et l’air s’emplit de leur vapeur odorante. Les cafés regorgèrent bientôt de consommateurs, assoiffés et affamés. Rôtisseries de toute espèce, yaourt, de lait caillé, kaïmak, sorte de crème bouillie, kebab, tranches de mouton coupées en petits morceaux, galettes de baklava sortant du four, boulettes de riz enveloppées de feuilles de vigne, râpes de maïs bouilli, barils d’olives noires, caques de caviar, pilaws de poulet, crêpes au miel, sirops, sorbets, glaces, café, tout ce qui se mange, tout ce qui se boit en Orient, apparut sur les tables des devantures, pendant que de petites lampes, accrochées à une spirale de cuivre, montaient et descendaient sous le coup de pouce des cawadjis, qui les mettaient en branle.