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l’île à hélice.

Bâbordais. Et, en ce moment, c’est en vertu d’une décision prise que l’on marche à l’ouest, vers le groupe des Sandwich. Cette distance de douze cents lieues environ qui sépare ce groupe de l’endroit où s’est embarqué le quatuor, elle emploiera un mois à la franchir avec une vitesse modérée, et elle fera relâche dans cet archipel jusqu’au jour où il lui conviendra d’en rallier un autre de l’hémisphère méridional.

Le lendemain de ce jour mémorable, le quatuor quitte Excelsior-Hotel, et vient s’installer dans un appartement du casino qui est mis à sa disposition, — appartement confortable, richement aménagé, s’il en fut. La Unième Avenue se développe devant ses fenêtres. Sébastien Zorn, Frascolin, Pinchinat, Yvernès, ont chacun sa chambre autour d’un salon commun. La cour centrale de l’établissement leur réserve l’ombrage de ses arbres en pleine frondaison, la fraîcheur de ses fontaines jaillissantes. D’un côté de cette cour se trouve le musée de Milliard-City, de l’autre, la salle de concert, où les artistes parisiens vont si heureusement remplacer les échos des phonographes et les transmissions des théâtrophones. Deux fois, trois fois, autant de fois par jour qu’ils le désireront, leur couvert sera mis dans la restauration, où le maître d’hôtel ne leur présentera plus ses additions invraisemblables.

Ce matin-là, lorsqu’ils sont réunis dans le salon, quelques instants avant de descendre pour le déjeuner :

« Eh bien, les violoneux, demande Pinchinat, que dites-vous de ce qui nous arrive ?

— Un rêve, répond Yvernès, un rêve dans lequel nous sommes engagés à un million par an…

— C’est bel et bien une réalité, répond Frascolin. Cherche dans ta poche, et tu pourras en tirer le premier quart du dit million…

— Reste à savoir comment cela finira ?… Très mal, j’imagine ! » s’écrie Sébastien Zorn, qui veut absolument trouver un pli de rose à la couche sur laquelle on l’a étendu malgré lui.

« D’ailleurs, et nos bagages ?… »