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l’île à hélice.

maintient-on en place, aussi immobile que les huit principales îles de l’archipel havaïen.

Le quatuor contemple les hauteurs qui se développent devant ses yeux. Du large, on n’aperçoit que des massifs d’arbres, des bosquets d’orangers et autres magnifiques spécimens de la flore tempérée. À l’ouest, par une étroite brèche du récif, apparaît un petit lac intérieur, le lac des Perles, sorte de plaine lacustre, trouée d’anciens cratères.

L’aspect d’Oahu est assez riant, et, en vérité, ces anthropophages, si désirés de Pinchinat, n’ont point à se plaindre du théâtre de leurs exploits. Pourvu qu’ils se livrent encore à leurs instincts de cannibales, Son Altesse n’aura plus rien à désirer…

Mais voici qu’elle s’écrie tout à coup :

« Grand Dieu, qu’est-ce que je vois ?…

— Que vois-tu ?… demande Frascolin.

— Là-bas… des clochers…

— Oui… et des tours… et des façades de palais !… répond Yvernès.

— Pas possible qu’on ait mangé là le capitaine Cook !…

— Nous ne sommes pas aux Sandwich ! dit Sébastien Zorn, en haussant les épaules. Le commodore s’est trompé de route…

— Assurément ! » réplique Pinchinat.

Non ! le commodore Simcoë ne s’est point égaré. C’est bien là Oahu, et la ville, qui s’étend sur plusieurs kilomètres carrés, c’est bien Honolulu.

Allons ! il faut en rabattre. Que de changements depuis l’époque où le grand navigateur anglais a découvert ce groupe ! Les missionnaires ont rivalisé de dévouement et de zèle. Méthodistes, anglicans, catholiques, luttant d’influence, ont fait œuvre civilisatrice et triomphé du paganisme des anciens Kanaques. Non seulement la langue originelle tend à disparaître devant la langue anglo-saxonne, mais l’archipel renferme des Américains, des Chinois, — pour la plupart engagés au compte des propriétaires du sol, d’où est sortie une race de demi-Chinois, les Hapa-Paké, — et enfin des Portugais,