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l’île à hélice.

Mrs Coverley, ayant dix ans de moins que son mari, vient de doubler, sans trop s’en plaindre, le cap de la quarantaine. C’est une femme élégante, distinguée, appartenant à ces familles demi-créoles de la Louisiane d’autrefois, bonne musicienne, bonne pianiste, et il ne faut pas croire qu’un Reyer du XXe siècle ait proscrit le piano de Milliard-City. Dans son hôtel de la Quinzième Avenue, le quatuor a mainte occasion de faire de la musique avec elle, et ne peut que la féliciter de ses talents d’artiste.

Le ciel n’a point béni l’union Coverley autant qu’il a béni l’union Tankerdon. Trois filles sont les seules héritières d’une immense fortune, dont M. Coverley ne se targue pas à l’exemple de son rival. Elles sont fort jolies, et il se trouvera assez de prétendants, dans la noblesse ou dans la finance des deux mondes, pour demander leur main, lorsque le moment sera venu de les marier. En Amérique, d’ailleurs, ces dots invraisemblables ne sont pas rares. Il y a quelques années, ne citait-on pas cette petite miss Terry, qui, dès l’âge de deux ans, était recherchée pour ses sept cent cinquante millions ? Espérons que cette enfant est mariée à son goût, et qu’à cet avantage d’être l’une des plus riches femmes des États-Unis, elle joint celui d’en être l’une des plus heureuses.

La fille aînée de M. et Mrs Coverley, Diane ou plutôt Dy, comme on l’appelle familièrement, a vingt ans à peine. C’est une très jolie personne, en qui se mélangent les qualités physiques et morales de son père et de sa mère. De beaux yeux bleus, une chevelure magnifique entre le châtain et le blond, une carnation fraîche comme les pétales de la rose qui vient de s’épanouir, une taille élégante et gracieuse, cela explique que miss Coverley soit remarquée des jeunes gens de Milliard-City, lesquels ne laisseront point à des étrangers, sans doute, le soin de conquérir cet « inestimable trésor », pour employer des termes d’une justesse mathématique. On a même lieu de penser que M. Coverley ne verrait pas, dans la différence de religion, un obstacle à une union qui lui paraîtrait devoir assurer le bonheur de sa fille.