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passage de la ligne.

prêt à jouer le rôle de tampon, il est désolé de ne pouvoir réunir en un seul bouquet la rose blanche d’York et la rose rouge de Lancastre. Et qui sait si cette déplorable compétition n’aura pas des conséquences aussi regrettables qu’elles le furent, au XVe siècle, pour l’aristocratie anglaise ?

Cependant la minute approche où la pointe de Standard-Island coupera la ligne équinoxiale. Établi à la précision d’un quart de seconde de temps, le calcul ne comporterait qu’une erreur de huit mètres. Le signal ne peut tarder à être envoyé par l’observatoire.

« J’ai une idée ! murmure Pinchinat.

— Laquelle ?… répond Yvernès.

— Je vais flanquer un coup de poing au bouton de l’appareil, et cela va les mettre d’accord…

— Ne fais pas cela ! » dit Frascolin, en arrêtant Son Altesse d’un bras vigoureux.

Bref, on ne sait comment l’incident aurait pris fin, si une détonation ne se fût produite…

Cette détonation ne vient pas de la batterie de l’Éperon. C’est un coup de canon du large, qui a été distinctement entendu.

La foule reste en suspens.

Que peut indiquer cette décharge d’une bouche à feu qui n’appartient pas à l’artillerie de Standard-Island ?

Un télégramme, envoyé de Tribord-Harbour, en donne presque aussitôt l’explication.

À deux ou trois milles, un navire en détresse vient de signaler sa présence et demande du secours.

Heureuse et inattendue diversion ! On ne songe plus à se disputer devant le bouton électrique, ni à saluer le passage de l’Équateur. Il n’est plus temps d’ailleurs. La ligne a été franchie, et le coup réglementaire est resté dans l’âme de la pièce. Cela vaut mieux, en somme, pour l’honneur des familles Tankerdon et Coverley.

Le public évacue le square, et, comme les trams ne fonctionnent