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de fêtes en fêtes.

quand il possédait, n’ayant jamais au delà de l’usufruit de sa terre.

Tout cela s’est modifié depuis la conquête, et même avant, sous l’influence des missionnaires anglicans et catholiques. Mais ce qui n’a pas changé, c’est l’intelligence de ces indigènes, leur parole vive, leur esprit enjoué, leur courage à toute épreuve, la beauté de leur type. Les Parisiens ne furent point sans l’admirer dans la ville comme dans la campagne.

« Tudieu, les beaux garçons ! disait l’un.

— Et quelles belles filles ! » disait l’autre.

Oui ! des hommes d’une taille au-dessus de la moyenne, le teint cuivré, comme imprégné par l’ardeur du sang, des formes admirables, telles que les a conservées la statuaire antique, une physionomie douce et avenante. Ils sont vraiment superbes, les Maoris, avec leurs grands yeux vifs, leurs lèvres un peu fortes, finement dessinées. Maintenant le tatouage de guerre tend à disparaître avec les occasions qui le nécessitaient autrefois.

Sans doute, les plus riches de l’île s’habillent à l’européenne, et ils ont encore bon air avec la chemise échancrée, le veston en étoffe rose pâle, le pantalon qui retombe sur la bottine. Mais ceux-là ne sont pas pour attirer l’attention du quatuor. Non ! Au pantalon de coupe moderne, nos touristes préfèrent le paréo dont la cotonnade coloriée et bariolée se drape depuis la ceinture jusqu’à la cheville, et, au lieu du chapeau de haute forme et même du panama, cette coiffure commune aux deux sexes, le hei, qui se compose de feuillage et de fleurs.

Quant aux femmes, ce sont encore les poétiques et gracieuses otaïtiennes de Bougainville, soit que les pétales blancs du tiare, sorte de gardénia, se mêlent aux nattes noires déroulées sur leurs épaules, soit que leur tête se coiffe de ce léger chapeau fait avec l’épiderme d’un bourgeon de cocotier, et « dont le nom suave de revareva semble venir d’un rêve, » déclame Yvernès. Ajoutez au charme de ce costume, dont les couleurs, comme celles d’un kaléidoscope, se modifient au moindre mouvement, la grâce de la démarche, la non-