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puissance d’une sonate cacophonique.

apparaît une lune narquoise, presque dans son premier quartier. On ne sait trop pourquoi, sinon parce qu’il est hargneux, irritable, la blonde Phœbé n’a pas l’heur de plaire à Sébastien Zorn. Il lui montre le poing, criant :

« Eh bien, que viens-tu faire là avec ton profil bête !… Non ! je ne sais rien de plus imbécile que cette espèce de tranche de melon pas mûr, qui se promène là-haut !

— Mieux vaudrait que la lune nous regardât de face, dit Frascolin.

— Et pour quelle raison ?… demande Pinchinat.

— Parce que nous y verrions plus clair.

— Ô chaste Diane, déclame Yvernès, ô des nuits paisible courrière, ô pâle satellite de la terre, ô l’adorée idole de l’adorable Endymion…

— As-tu fini ta ballade ? crie le violoncelliste. Quand ces premiers violons se mettent à démancher sur la chanterelle…

— Allongeons le pas, dit Frascolin, ou nous risquons de coucher à la belle étoile…

— S’il y en avait… et de manquer notre concert à San-Diégo ! observe Pinchinat.

— Une jolie idée, ma foi ! s’écrie Sébastien Zorn, en secouant sa boîte qui rend un son plaintif.

— Mais cette idée, mon vieux camaro, dit Pinchinat, elle vient de toi…

— De moi ?…

— Sans doute ! Que ne sommes-nous restés à San-Francisco, où nous avions à charmer toute une collection d’oreilles californiennes !

— Encore une fois, demande le violoncelliste, pourquoi sommes-nous partis ?…

— Parce que tu l’as voulu.

— Eh bien, il faut avouer que j’ai eu là une inspiration déplorable, et si…

— Ah !… mes amis ! dit alors Yvernès, en montrant de la main