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une collection de fauves.

C’était la vengeance de John Bull ! Avant de déguerpir, il avait jeté des centaines de reptiles sur le domaine qui lui échappait, et depuis cette époque, ces venimeuses bêtes se sont multipliées à l’infini au grand dommage des colons français ! »

Il est certain que cette accusation contre l’Angleterre, qui n’a jamais été démentie, rend assez plausible l’explication donnée par Hubley Harcourt. Mais, est-il permis de croire que John Bull ait voulu rendre inhabitable l’île à hélice, et même avait-il tenté de le faire pour l’une des Antilles françaises ?… Ni l’un ni l’autre de ces faits n’ont jamais pu être prouvés. Néanmoins, en ce qui concerne Standard-Island, cela devait être tenu pour authentique par la population milliardaise.

« Eh bien ! s’écrie Jem Tankerdon, si les Français ne sont pas parvenus à purger la Martinique des vipères que les Anglais y avaient mis à leur place… »

Tonnerre de hurrahs et de hips à cette comparaison du fougueux personnage.

« … Les Milliardais, eux, sauront débarrasser Standard-Island des fauves que l’Angleterre a lâchés sur elle ! »

Nouveau tonnerre d’applaudissements, qui ne cessent que pour recommencer de plus belle, d’ailleurs, après que Jem Tankerdon a ajouté :

« À notre poste, messieurs, et n’oublions pas qu’en traquant ces lions, ces jaguars, ces tigres, ces caïmans, c’est aux English que nous donnons la chasse ! »

Et le conseil se sépare.

Une heure après, lorsque les principaux journaux publient le compte rendu sténographié de cette séance, quand on sait quelles mains ennemies ont ouvert les cages de cette ménagerie flottante, lorsqu’on apprend à qui l’on doit l’envahissement de ces légions de bêtes féroces, un cri d’indignation sort de toutes les poitrines, et l’Angleterre est maudite dans ses enfants et ses petits-enfants, en attendant que son nom détesté s’efface enfin des souvenirs du monde !