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un casus belli.

Le Commodore Simcoë, le pilote, Calistus Munbar, les trois Parisiens, se portent en avant…

Ils n’ont pas fait cent pas qu’ils s’arrêtent et demeurent immobiles…

En regard d’un feu ardent, entouré d’une foule tumultueuse d’hommes et de femmes, Pinchinat, demi nu, est attaché à un arbre… et le chef fidgien court vers lui, la hache levée…

« Marchons… marchons ! crie le commodore Simcoë à ses marins et à ses miliciens.

Surprise subite et terreur très justifiée de ces indigènes, auxquels le détachement n’épargne ni les coups de feu ni les coups de crosse. En un clin d’œil, la place est vide, et toute la bande s’est dispersée sous bois…

Pinchinat, détaché de l’arbre, tombe dans les bras de son ami Frascolin.

Comment exprimer ce que fut la joie de ces artistes, de ces frères, — à laquelle se mêlèrent quelques larmes et aussi des reproches très mérités.

« Mais, malheureux, dit le violoncelliste, qu’est-ce qui t’a pris de t’éloigner ?…

— Malheureux, tant que tu voudras, mon vieux Sébastien, répond Pinchinat, mais n’accable pas un alto aussi peu habillé que je le suis en ce moment… Passez-moi mes vêtements, afin que je puisse me présenter d’une façon plus convenable devant les autorités ! »

Ses vêtements, on les retrouve au pied d’un arbre, et il les reprend tout en conservant le plus beau sang-froid du monde. Puis, ce n’est que lorsqu’il est « présentable », qu’il vient serrer la main du commodore Simcoë et du surintendant.

« Voyons, lui dit Calistus Munbar, y croirez-vous, maintenant… au cannibalisme des Fidgiens ?…

— Pas si cannibales que cela, ces fils de chiens, répond Son Altesse, puisqu’il ne me manque pas un membre !

— Toujours le même, satané fantaisiste ! s’écrie Frascolin.