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changement de propriétaires.

Standard-Island ne marche qu’à la moyenne de vingt à vingt-cinq kilomètres par vingt-quatre heures. Elle s’avance jusqu’en vue de Viti, dont les rives superbes sont bordées de forêts luxuriantes d’une sombre verdure. On emploie trois jours à se déplacer sur ces eaux tranquilles, depuis l’île Wanara jusqu’à l’île Ronde. La passe, à laquelle les cartes assignent ce dernier nom, offre une large voie au Joyau du Pacifique qui s’y engage en douceur. Nombre de baleines, troublées et affolées, donnent de la tête contre sa coque d’acier, qui frémit de ces coups. Que l’on se rassure, les tôles des compartiments sont solides, et il n’y a pas d’avaries à craindre.

Enfin, dans l’après-midi du 6, les derniers sommets des Fidji s’abaissent sous l’horizon. À ce moment, le commodore Simcoë vient d’abandonner le domaine polynésien pour le domaine mélanésien de l’océan Pacifique.

Pendant les trois jours qui suivent, Standard-Island continue à dériver vers l’ouest, après avoir atteint en latitude le dix-neuvième degré. Le 10 février, elle se trouve dans les parages où le steamer attendu d’Europe doit la rallier. Le point, reproduit sur les pancartes de Milliard-City, est connu de tous les habitants. Les vigies de l’observatoire sont en éveil. L’horizon est fouillé par des centaines de longues-vues, et, dès que le navire sera signalé… Toute la population est dans l’attente… N’est-ce pas comme le prologue de cette pièce si demandée du public, qui se terminera au dénouement par le mariage de Walter Tankerdon et de miss Dy Coverley ?…

Standard-Island n’a donc plus qu’à demeurer stationnaire, à se maintenir contre les courants de ces mers resserrées entre les archipels. Le commodore Simcoë donne ses ordres en conséquence, et ses officiers en surveillent l’exécution.

« La situation est décidément des plus intéressantes ! » dit ce jour-là Yvernès.

C’était pendant les deux heures de far niente que ses camarades et lui s’accordaient d’habitude après leur déjeuner de midi.

« Oui, répondit Frascolin, et nous n’aurons pas lieu de regretter