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standard-island et milliard-city.

chiffre dérisoire. D’ailleurs, chaque habitant connaît exactement sa constitution, sa force musculaire mesurée au dynamomètre, sa capacité pulmonaire mesurée au spiromètre, sa puissance de contraction du cœur mesurée au sphygmomètre, enfin son degré de force vitale mesurée au magnétomètre. Et puis, dans cette ville, ni bars, ni cafés, ni cabarets, rien qui provoque à l’alcoolisme. Jamais aucun cas de dipsomanie, disons d’ivrognerie pour être compris des gens qui ne savent pas le grec. Qu’on n’oublie pas, en outre, que les services urbains lui distribuent l’énergie électrique, lumière, force mécanique et chauffage, l’air comprimé, l’air raréfié, l’air froid, l’eau sous pression, tout comme les télégrammes pneumatiques et les auditions téléphoniques. Si l’on meurt, en cette île à hélice, méthodiquement soustraite aux intempéries climatériques, à l’abri de toutes les influences microbiennes, c’est qu’il faut bien mourir, mais après que les ressorts de la vie se sont usés jusque dans une vieillesse de centenaires.

Y a-t-il des soldats à Standard-Island ? Oui ! un corps de cinq cents hommes sous les ordres du colonel Stewart, car il a fallu prévoir que les parages du Pacifique ne sont pas toujours sûrs. Aux approches de certains groupes d’îles, il est prudent de se prémunir contre l’agression des pirates de toute espèce. Que cette milice ait une haute paie, que chaque homme y touche un traitement supérieur à celui des généraux en chef de la vieille Europe, cela n’est point pour surprendre. Le recrutement de ces soldats, logés, nourris, habillés aux frais de l’administration, s’opère dans des conditions excellentes, sous le contrôle de chefs rentés comme des Crésus. On n’a que l’embarras du choix.

Y a-t-il de la police à Standard-Island ? Oui, quelques escouades, et elles suffisent à garantir la sécurité d’une ville qui n’a aucun motif d’être troublée. Une autorisation de l’administration municipale est nécessaire pour y résider. Les côtes sont gardées par un corps d’agents de la douane, veillant jour et nuit. On ne peut y débarquer que par les ports. Comment des malfaiteurs s’y introduiraient-ils ?