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incident qui ne saurait surprendre le lecteur.

bruits du dehors. Le craquement d’une branche sèche, un souffle du vent les faisaient tressaillir. Ils croyaient entendre marcher sous les arbres. Il leur semblait que l’on rôdait autour de Will-Tree. Alors Godfrey, se hissant à l’une des fenêtres, soulevait un peu l’auvent et regardait anxieusement dans l’ombre.

Rien encore.

Cependant Godfrey entendit bientôt des pas sur le sol. Son oreille ne pouvait l’avoir trompé, cette fois. Il regarda encore, mais il n’aperçut qu’une des chèvres qui venait chercher abri sous les arbres.

Du reste, si quelques-uns des naturels parvenaient à découvrir l’habitation cachée dans l’énorme séquoia, le parti de Godfrey était pris : il entraînerait Tartelett avec lui par le boyau intérieur, il se réfugierait jusque sur les hautes branches, où il serait mieux en mesure de résister. Avec des fusils et des revolvers à sa disposition, avec des munitions en abondance, peut-être aurait-il quelque chance de l’emporter sur une douzaine de sauvages, dépourvus d’armes à feu. Si ceux-ci, au cas où ils seraient munis d’arcs et de flèches, attaquaient d’en bas, il n’était pas probable qu’ils eussent l’avantage contre des fusils bien dirigés d’en haut. Si, au contraire, ils forçaient la porte de l’habitation et cherchaient à gagner la haute ramure par l’intérieur, il leur serait malaisé d’y parvenir, puisqu’ils devraient passer par un étroit orifice, que les assiégés pouvaient aisément défendre.

Au surplus, Godfrey ne parla point de cette éventualité à Tartelett. Le pauvre homme était déjà assez épouvanté de l’arrivée du prao. La pensée qu’il serait peut-être obligé de se réfugier dans la partie supérieure de l’arbre, comme dans un nid d’aigle, n’eût pas été pour lui rendre un peu de calme. Si cela devenait nécessaire, au dernier instant, Godfrey l’entraînerait, sans même lui laisser le temps de la réflexion

La nuit s’écoula dans des alternatives de crainte et d’espoir. Aucune attaque directe ne se produisit. Les sauvages ne s’étaient pas encore portés jusqu’au groupe des séquoias. Peut-être attendaient-ils le jour pour s’aventurer à travers l’île.

« C’est probablement ce qu’ils feront, disait Godfrey, puisque notre pavillon leur indique qu’elle est habitée ! Mais ils ne sont qu’une douzaine et ont quelques précautions à prendre ! Comment supposeraient-ils qu’ils n’auront affaire qu’à deux naufragés ? Non ! ils ne se hasarderont qu’en plein jour… à moins qu’ils ne s’installent…