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la situation se complique de plus en plus.

Avec les premiers jours de novembre, on peut dire que la mauvaise saison avait commencé sous cette latitude inconnue. Des pluies déjà froides tombaient pendant quelques heures. Plus tard, très probablement, il surviendrait de ces averses interminables, qui ne cessent pendant des semaines entières et caractérisent la période pluvieuse de l’hiver à la hauteur de ce parallèle.

Godfrey dut alors s’occuper de l’installation d’un foyer à l’intérieur même de Will-Tree, — foyer indispensable, qui servirait aussi bien à chauffer l’habitation pendant l’hiver qu’à faire la cuisine à l’abri des ondées et des coups de vent.

Le foyer, on pouvait toujours l’établir dans un coin de la chambre, entre de grosses pierres, les unes posées à plat et les autres de champ. La question était d’en pouvoir diriger la fumée au dehors, car, la laisser s’échapper par le long boyau qui s’enfonçait à l’intérieur du séquoia jusqu’au haut du tronc, ce n’était pas praticable.

Godfrey eut alors la pensée d’employer pour faire un tuyau quelques-uns de ces longs et gros bambous qui croissaient en certains endroits des berges du rio.

Il faut dire qu’il fut très bien secondé en cette occasion par Carèfinotu. Le noir comprit, non sans quelques efforts, ce que voulait Godfrey. Ce fut lui qui l’accompagna, lorsqu’il alla, à deux milles de Will-Tree, choisir des bambous parmi les plus gros ; ce fut lui aussi qui l’aida à monter son foyer. Les pierres furent disposées sur le sol, au fond, en face de la porte ; les bambous, vidés de leur moelle, taraudés à leurs nœuds, formèrent, en s’ajustant l’un dans l’autre, un tuyau de suffisante longueur, qui aboutissait à une ouverture percée dans l’écorce du séquoia. Cela pouvait donc suffire, pourvu qu’on veillât bien à ce que le feu ne prît pas aux bambous. Godfrey eut bientôt la satisfaction de voir flamber un bon feu, sans empester de fumée l’intérieur de Will-Tree.

Il avait eu raison de procéder à cette installation, encore plus raison de se hâter de la faire.

En effet, du 3 au 10 novembre, la pluie ne cessa de tomber torrentiellement. Il eût été impossible de maintenir le feu allumé en plein air. Pendant ces tristes jours, il fallut demeurer dans l’habitation. On ne dut en sortir que pour les besoins urgents du troupeau et du poulailler.

Il arriva, dans ces conditions, que la réserve de camas vint à manquer.