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l’école des robinsons

Les travaux commencèrent aussitôt. Godfrey voulait avec raison n’entreprendre le charriage qu’après que tous les arbres dont il avait besoin seraient abattus. On pourrait les travailler avec plus de sécurité, lorsqu’ils seraient sur place.

Carèfinotu rendit de très grands services pendant cette dure besogne. Il était devenu très habile au maniement de la hache et de la scie. Sa vigueur lui permettait même de continuer son travail, lorsque Godfrey était obligé de s’arrêter pour prendre quelques instants de repos, et que Tartelett, les mains brisées, les membres moulus, n’aurait même plus eu la force de soulever sa pochette.

Cependant, à l’infortuné professeur de danse et de maintien, transformé en bûcheron, Godfrey avait réservé la part la moins fatigante de la tâche, c’est-à-dire l’élagage des petites branches. Malgré cela, lors même que Tartelett n’eut été payé qu’un demi-dollar par jour, il aurait volé les quatre cinquièmes de son salaire !

Pendant six jours, du 12 au 17 novembre, ces travaux ne discontinuèrent pas. On venait le matin dès l’aube, on emportait de quoi déjeuner, on ne rentrait à Will-Tree que pour le repas du soir. Le ciel n’était pas très beau. De gros nuages s’y accumulaient parfois. C’était un temps à grains, avec des alternatives de pluie et de soleil. Aussi, pendant les averses, les bûcherons se garaient-ils de leur mieux sous les arbres, puis ils reprenaient leur besogne un instant interrompue.

Le 18, tous les arbres, étêtés, ébranchés, gisaient sur le sol, prêts à être charriés à Will-Tree.

Pendant ce temps, aucun fauve n’avait apparu dans les environs du rio. C’était à se demander s’il en restait encore dans l’île ; si l’ours et le tigre, mortellement frappés, n’étaient pas, — chose bien invraisemblable ! — les derniers de leur espèce.

Quoi qu’il en fût, Godfrey ne voulut point abandonner son projet d’élever une solide palissade, afin d’être également à l’abri d’un coup de main des sauvages et d’un coup de patte des ours ou des tigres. D’ailleurs, le plus fort était fait, puisqu’il n’y avait plus qu’à convoyer ces bois jusqu’à l’emplacement où ils seraient mis en œuvre.

Nous disons « le plus fort était fait », bien qu’il semblât que ce charriage dût être extrêmement pénible. S’il n’en fut rien, c’est que Godfrey avait eu une idée très pratique, qui devait singulièrement alléger la tâche : c’était d’employer