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Ce sont de magnifiques bâtiments que les compagnies de transport mettent partout à leur disposition. Il n’est si mince cours d’eau, si petit lac, si infime golfe, qui ne soit sillonné chaque jour d’élégants bateaux à vapeur. Rien d’étonnant, donc, à ce que la Clyde soit des plus favorisées sous ce rapport. Aussi, le long de Broomielaw Street, aux cales du Steam-boat Quay, les steamers, leurs tambours peints des plus vives couleurs, où l’or le dispute au cinabre, stationnent-ils en grand nombre, toujours fumant, prêts à partir en toutes directions.

Le Columbia ne faisait point exception à la règle. Très long, très effilé de l’avant, très fin dans ses lignes d’eau, pourvu d’une machine puissante actionnant des roues d’un large diamètre, c’était un bateau de grande marche. À l’intérieur, tout le confort possible dans ses salons et ses salles à manger ; sur le pont, un vaste spardeck, abrité d’une tente aux légers lambrequins, avec des bancs et des sièges aux coussins moelleux, — véritable terrasse, entourée d’une élégante rambarde, sur laquelle les passagers se trouvaient en belle vue et en bon air.

Les voyageurs ne manquaient pas. Ils venaient un peu de partout, aussi bien de l’Écosse que de l’Angleterre. Ce mois d’août est par excellence le mois des excursions. Entre toutes, celles de la Clyde et des Hébrides sont particulièrement recherchées. Il y avait là de ces familles au grand complet, dont l’union avait été généreusement bénie du ciel ; des jeunes filles très gaies, des jeunes gens plus calmes, des enfants habitués déjà aux surprises du tourisme ; puis, des pasteurs, toujours fort nombreux à bord des steamers, le haut chapeau de soie sur la tête, la longue redingote noire à collet droit, le liséré de la cravate blanche au châle du gilet ; puis, plusieurs fermiers, coiffés de la toque écossaise, et rappelant par leurs allures un peu lourdes les anciens « Bonnet-lairds » d’il y a quelque soixante ans ; enfin, une demi-douzaine d’étrangers, de ces Allemands qui ne perdent rien de leur poids, même au dehors de l’Allemagne, et deux ou trois de ces Français que n’abandonne jamais leur amabilité géniale, même hors de France.

Si miss Campbell eût ressemblé à la plupart de ses compatriotes, qui s’asseyent en quelque coin, dès qu’elles sont embarquées, et ne bougent de tout le voyage, elle n’aurait vu des rives de la Clyde que ce qui serait passé devant ses yeux, sans même remuer la tête. Mais elle aimait à aller, à venir, tantôt à l’arrière du steamer, tantôt à l’avant, regardant les villes, bourgs, villages, hameaux, dont ces rives sont incessamment semées. D’où cette conséquence,