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les ruines d’iona.

Miss Campbell, outrée de ce sans-gêne de minéralogiste, se dirigea aussitôt vers lui :

« Que faites-vous là, monsieur ? demanda-t-elle.

— Vous le voyez, miss Campbell, répondit Aristobulus Ursiclos, je cherche à détacher un morceau de ce granit.

— Mais à quoi bon ces manies ? Je croyais que le temps des iconoclastes était passé !

— Je ne suis point un iconoclaste, répondit Aristobulus Ursiclos, mais je suis un géologue, et, comme tel, je tiens à savoir quelle est la nature de cette pierre. »

Un violent coup de marteau avait fini l’œuvre de dégradation : une pierre du soubassement venait de rouler sur le sol.

Aristobulus Ursiclos la ramassa, et, doublant le pouvoir optique de ses lunettes d’une grosse loupe de naturaliste, qu’il tira de son étui, il rapprocha du bout de son nez.

« C’est bien ce que je pensais, dit-il. Voilà un granit rouge, d’un grain très serré, très résistant, qui a dû être tiré de l’îlot des Nonnes, en tout semblable à celui dont les architectes du xiie siècle se sont servis pour construire la cathédrale d’Iona. »

Et Aristobulus Ursiclos ne perdit pas une si belle occasion de se lancer dans une dissertation archéologique, que les frères Melvill — ils venaient de le rejoindre — crurent devoir écouter.

Miss Campbell, sans plus de cérémonie, était revenue vers Olivier Sinclair, et, lorsque le dessin fut achevé, tous se retrouvèrent au parvis de la cathédrale.

Ce monument est un édifice complexe, fait de deux églises accouplées, dont les murs, épais comme des courtines, les piliers, solides comme des roches, ont bravé les injures de ce climat depuis treize cents ans.

Pendant quelques minutes, les visiteurs se promenèrent dans la première église, qui est romane par le cintre de ses voûtes et la courbe de ses arcades, puis dans la seconde, édifice gothique du xiie siècle, formant la nef et les transepts de la première. Ils allaient ainsi, à travers ces ruines, d’une époque à une autre, foulant les grandes dalles carrées, dont les jointures laissaient poindre le sol. Ici c’étaient des couvercles de tombes ; là, quelques pierres funéraires, dressées dans les coins, avec leurs figures sculptées, qui semblaient attendre l’aumône du passant.