Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
toute une tempête dans une grotte.

— Oui… et je m’acquitterai aujourd’hui !… Je vous sauverai de la grotte de Fingal ! »

Comment Olivier Sinclair osait-il parler de salut, à ce moment où la masse des eaux se brisait au pied même du réduit ! Il ne parvenait qu’imparfaitement à défendre sa compagne de leurs atteintes. Deux ou trois fois, il faillit être entraîné… Et s’il résista, ce ne fut que par un effort surhumain, sentant les bras de miss Campbell comme noués à sa taille, et comprenant que la mer l’eût emportée avec lui.

Il pouvait être neuf heures et demie du soir. La tempête devait avoir atteint alors son maximum d’intensité. En effet, les eaux montantes se précipitaient dans Fingal’s Cave avec l’impétuosité d’une avalanche. De leur choc sur le fond et les murailles latérales, il résultait un fracas assourdissant, et telle était leur fureur que des morceaux de basalte, se détachant des parois, creusaient, en tombant, des trous noirs dans l’écume phosphorescente.

Sous cet assaut, dont rien ne peut rendre la violence, les piliers allaient-ils donc s’abîmer pierre par pierre ? La voûte risquait-elle de s’effondrer ? Olivier Sinclair pouvait tout craindre. Lui aussi se sentait pris d’une insurmontable torpeur, contre laquelle il tentait de réagir. C’est que l’air manquait parfois, et, s’il entrait abondamment avec les lames, les lames semblaient l’aspirer, lorsque le reflux les emportait au dehors.

Dans ces conditions, miss Campbell, épuisée, ses forces l’abandonnant, fut prise de défaillance.

« Olivier !… Olivier !… » murmura-t-elle en se laissant aller dans ses bras.

Olivier Sinclair s’était blotti avec la jeune fille dans la partie la plus profonde du réduit. Il la sentait froide, inanimée. Il voulait la réchauffer, il voulait lui communiquer toute la chaleur qui restait en lui. Mais déjà les eaux l’atteignaient à mi-corps, et, s’il perdait connaissance à son tour, c’en était fait de tous les deux !

Cependant, l’intrépide jeune homme eut la force de résister pendant plusieurs heures encore. Il soutenait miss Campbell, il la couvrait du choc des coups de la mer, il luttait en s’arc-boutant aux saillies des basaltes, — et cela au milieu d’une obscurité que l’extinction des phosphorescences rendait profonde, au milieu de ce tonnerre continu fait de heurts, de mugissements, de sifflements. Ce n’était plus, maintenant, la voix de Selma, résonnant dans le palais de Fingal ! C’étaient ces aboiements épouvantables des chiens du Kamtchatka, lesquels,