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dix heures en chasse.

cru pouvoir me dispenser d’en prendre. Mais je crus aussi devoir affirmer ce qu’on affirme toujours en pareille occurrence : c’est que j’avais oublié mon permis.

Un sourire d’incrédulité supérieure et distinguée s’ébaucha sur la figure du représentant de la loi.

« Que je suis obligé de verbaliser ! me dit-il, du ton radouci d’un homme qui entrevoit une prime.

— Pourquoi ? Dès demain je vous l’enverrai, ce permis, mon brave gendarme, et…

— Oui ! je sais, répondit Pandore, mais que je suis obligé de verbaliser !

— Eh bien, verbalisez, puisque vous êtes insensible à la prière d’un débutant ! »

Un gendarme qui serait sensible ne serait plus un gendarme. Celui-ci tira de sa poche un calepin enveloppé dans un parchemin jaunâtre.

« Que vous vous nommez ?… » me demanda-t-il.

Voilà ! Je n’étais pas sans savoir qu’il est d’usage, en ces graves conjonctures, de donner à l’autorité le nom d’un ami. Si même, à cette époque, j’avais eu l’honneur d’être membre de l’Académie d’Amiens, peut-être

n’eussé-je pas hésité à livrer le nom de l’un de mes collègues. Mais, je me contentai de rendre celui d’un de mes vieux camarades de Paris, un pianiste de grand talent. Le brave garçon, en ce moment, sans doute, tout entier à l’exercice du quatrième doigt, ne pouvait se douter que l’on verbalisait contre lui à propos d’un délit de chasse !

Pandore prit soigneusement le nom de cette victime, sa profession, son âge, son adresse. Puis, il me pria poliment de lui confier mon fusil, — ce que je