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l’école des robinsons

ticulièrement mauvaise, le vent avait fraîchi, et il ne semblait pas que la nuit dût laisser tomber la mer, si capricieusement fouettée pendant de longues heures.

Godfrey se releva donc vers minuit, il se vêtit chaudement et monta sur le pont.

La bordée de quart veillait à l’avant. Le capitaine Turcotte se tenait sur la passerelle.

La violence de la brise n’avait certainement pas diminué. Pourtant, le choc des lames, que devait couper l’étrave du Dream, était très amoindri.

Mais, en levant les yeux vers le haut de la cheminée, tout empanachée de fumée noire, Godfrey vit que cette fumée, au lieu de fuir de l’avant à l’arrière, s’emportait de l’arrière à l’avant au contraire, et suivait la même direction que le navire.

« Le vent a donc changé ? » se dit-il.

Et, très heureux de cette circonstance, il monta sur la passerelle ; puis, s’approchant du capitaine :

« Capitaine ! » dit-il.

Celui-ci, encapuchonné dans sa capote cirée, ne l’avait pas entendu venir, et, tout d’abord, ne put dissimuler un mouvement de contrariété en le voyant près de lui.

« Vous, monsieur Godfrey, vous… sur la passerelle ?

— Moi, capitaine, et je viens vous demander…

— Quoi donc ? répondit vivement le capitaine Turcotte.

— Si le vent n’a pas changé ?

— Non, monsieur Godfrey, non… et, malheureusement, je crains qu’il ne tourne en tempête !

— Cependant nous sommes maintenant vent arrière !

— Vent arrière… en effet… vent arrière !… répliqua le capitaine visiblement dépité par cette observation. Mais c’est bien malgré moi !

— Que voulez-vous dire ?

— Je veux dire que, pour ne pas compromettre la sécurité du bâtiment, j’ai dû virer cap pour cap et fuir devant le temps !

— Voilà qui va nous causer des retards extrêmement regrettables ! dit Godfrey.

— Très regrettables, en effet, répondit le capitaine Turcotte ; mais, dès qu’il fera jour, si la mer tombe un peu, j’en profiterai pour reprendre ma route à