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l’école des robinsons

Des Robinsons ! eux ! Un Robinson ! lui ! Des descendants de ce Selkirck, qui vécut pendant de longues années à l’île Juan-Fernandez ! Des imitateurs de ces héros imaginaires de Daniel de Foë et de Wyss, dont ils avaient si souvent lu les aventures ! Des abandonnés, éloignés de leurs parents, de leurs amis, séparés de leurs semblables par des milliers de milles, destinés à disputer leur vie peut-être à des fauves, peut-être à des sauvages qui pouvaient aborder sur cette terre, des misérables sans ressources, souffrant de la faim, souffrant de la soif, sans armes, sans outils, presque sans vêtements, livrés à eux-mêmes !

Non ! c’était impossible !

« Ne me dites pas de ces choses-là, Godfrey, s’écria Tartelett. Non ! ne faites pas de ces plaisanteries ! La supposition seule suffirait à me tuer ! Vous avez voulu rire, n’est-ce pas ?

— Oui, mon brave Tartelett, répondit Godfrey, rassurez-vous ; mais d’abord, avisons au plus pressé ! »

En effet, il s’agissait de trouver une caverne, une grotte, un trou quelconque, afin d’y passer la nuit ; puis, on chercherait à ramasser ce que l’on pourrait trouver de coquillages comestibles, afin de calmer tant bien que mal les exigences de l’estomac.

Godfrey et Tartelett commencèrent donc à redescendre le talus des dunes, de manière à se diriger vers le récif. Godfrey se montrait très ardent en ses recherches ; Tartelett, très hébété dans ses transes de naufragé. Le premier regardait devant lui, derrière lui, de tous côtés ; le second n’était pas même capable de voir à dix pas.

Voici ce que se demandait Godfrey :

« S’il n’y a pas d’habitants sur cette terre, s’y trouve-t-il au moins des animaux ? »

Il entendait dire, par là, des animaux domestiques, c’est-à-dire du gibier de poil et de plume, non de ces fauves, qui abondent dans les régions de la zone tropicale et dont il n’avait que faire.

Ce serait ce que des recherches ultérieures lui permettraient seules de constater.

En tout cas, quelques bandes d’oiseaux animaient alors le littoral, des butors, des bernaches, des courlis, des sarcelles, qui voletaient, pépiaient, emplissaient l’air de leur vol et de leurs cris, — une façon sans doute de protester contre l’envahissement de ce domaine.