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LA CHASSE AU MÉTÉORE

d’œil suppliants de son père ; Jenny pleurait intarissablement malgré les exhortations de sa mère. Quant à celle-ci, elle se contentait de soupirer, en espérant du temps un remède à une situation dont le ridicule le disputait à l’odieux.

Mrs Hudelson avait raison, puisque le temps, dit-on, arrange tout. Il faut cependant reconnaître qu’il ne paraissait pas très pressé, cette fois, d’améliorer les affaires de ces deux malheureuses familles. Si Mr Dean Forsyth et le docteur Hudelson ne restaient pas insensibles à la réprobation qui les entourait chez eux, cette réprobation ne leur causait pas, en effet, un chagrin comparable à celui qu’ils eussent éprouvé en d’autres circonstances. Leur idée fixe les cuirassait d’indifférence contre une émotion qui n’avait pas leur bolide pour objet. Ah ! ce bolide !… À lui tout l’amour de leur cœur, toutes les pensées de leur cerveau, toutes les aspirations de leur être !

Avec quelle passion ils lisaient les notes quotidiennes de J. B. K. Lowenthal et les comptes rendus des séances de la Conférence Internationale ! Là étaient leurs ennemis communs, et contre eux ils étaient enfin unis dans une haine égale et pareille.

Aussi, bien vive avait été leur satisfaction d’apprendre à quelles difficultés s’étaient heurtées les réunions préparatoires, et plus vive fut-elle encore, quand ils connurent avec quelle lenteur, par quelles voies tortueuses, la Conférence Internationale définitivement constituée s’acheminait vers un accord, qui demeurait problématique et incertain.

Pour employer une expression du langage familier, il y avait, en effet, du tirage à Washington.

Dès sa seconde séance, la Conférence Internationale avait donné l’impression qu’elle ne mènerait pas sans peine ses importants travaux à bonne fin. Malgré l’étude approfondie faite dans le sein des sous-commissions, l’entente parut, dès le début, des plus difficiles à réaliser.

La première proposition ferme qui se fit jour fut de laisser la propriété du bolide au pays qui le recevrait du ciel. C’était ramener la question à une loterie où il n’y aurait eu qu’un seul lot, et quel gros lot !

Cette proposition, faite par la Russie et soutenue par l’Angleterre et par la Chine, États aux vastes territoires, provoqua ce