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LA CHASSE AU MÉTÉORE

delson. C’était leur enfant, la chair de leur chair. Il leur appartenait comme le fils à ses parents, plus encore, comme la créature à son créateur. Sa vue ne cessait de les surexciter. Leurs observations, les hypothèses qu’ils déduisaient de sa marche, de sa forme apparente, ils les adressaient, celui-ci à l’observatoire de Cincinnati, celui-là à l’observatoire de Pittsburg, et sans jamais oublier de réclamer la priorité de la découverte.

Bientôt, cette lutte encore pacifique ne satisfit plus leur animosité. Non contents d’avoir rompu les relations diplomatiques, en cessant tous rapports personnels, il leur fallut la bataille franche et la guerre officiellement déclarée.

Un jour, il parut dans le Whaston Standard une note passablement agressive contre le docteur Hudelson, note qui fut attribuée à Mr Dean Forsyth. Elle disait que certaines gens ont vraiment de trop bons yeux quand ils regardent à travers les lunettes d’un autre, et qu’ils aperçoivent trop facilement ce qui a été aperçu déjà.

En réponse à cette note, il fut dit dès le lendemain dans le Whaston Evening qu’en fait de lunettes, il en est qui sont sans doute mal essuyées, et dont l’objectif est semé de petites taches qu’il n’est pas bien adroit de prendre pour des météores.

En même temps, le Punch publiait la très ressemblante caricature des deux rivaux, munis d’ailes gigantesques et luttant de vitesse pour attraper leur bolide, figuré par une tête de zèbre qui leur tirait la langue.

Cependant, bien que par suite de ces articles, de ces allusions vexatoires, la brouille des deux adversaires tendît à s’aggraver de jour en jour, ceux-ci n’avaient pas encore eu l’occasion d’intervenir dans la question du mariage. S’ils n’en parlaient pas, du moins laissaient-ils aller les choses, et rien n’autorisait à admettre que Francis Gordon et Jenny Hudelson ne fussent pas liés à la date convenue

Avec un lien d’or
Qui ne finit qu’à la mort,

ainsi que le dit une vieille chanson de Bretagne.

Aucun incident ne survint pendant les derniers jours du mois d’avril. Toutefois, si la situation ne s’aggrava pas, aucune amélioration ne lui fut apportée. Pendant les repas, chez Mr Hudel-