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LA JANGADA.

son étui, Torrès s’élança à la poursuite du guariba.

Il ne se dissimulait pas que d’atteindre cet agile animal ce n’était pas facile. Sur le sol, il s’enfuirait trop vite ; dans les branches, il s’enfuirait trop haut. Un coup de fusil bien ajusté aurait seul pu l’arrêter dans sa course ou dans son vol ; mais Torrès ne possédait aucune arme à feu. Son sabre-poignard et sa houe n’auraient eu raison du guariba qu’à la condition de pouvoir l’en frapper.

Il devint bientôt évident que le singe ne pourrait être atteint que par surprise. De là, nécessité pour Torrès de ruser avec le malicieux animal. S’arrêter, se cacher derrière quelque tronc d’arbre, disparaître sous un fourré, inciter le guariba, soit à s’arrêter, soit à revenir sur ses pas, il n’y avait pas autre chose à tenter. C’est ce que fît Torrès, et la poursuite commença dans ces conditions ; mais, lorsque le capitaine des bois disparaissait, le singe attendait patiemment qu’il reparût, et à ce manège, Torrès se fatiguait sans résultat.

« Damné guariba ! s’écria-t-il, bientôt. Je n’en viendrai jamais à bout, et il peut me reconduire ainsi jusqu’à la frontière brésilienne ! Si encore il lâchait mon étui ! Mais non ! Le tintement des pièces d’or l’amuse ! Ah ! voleur ! si je parviens à t’empoigner !… »