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TOUTE UNE FORET PAR TERRE.

Ainsi fut-il fait. Le sol se nettoya devant les bûcherons de la ferme. Les vieux troncs dépouillèrent leur vêtement de lianes, de cactus, de fougères, de mousses, de bromélias. Leur écorce se montra à nu, en attendant qu’ils fussent écorchés vifs à leur tour.

Puis, toute cette bande de travailleurs, devant lesquels fuyaient d’innombrables légions de singes qui ne les surpassaient pas en agilité, se hissa dans les branchages supérieurs, sciant les fortes fourches, dégageant la haute ramure qui devait être consommée sur place. Bientôt, il ne resta plus de la forêt condamnée que de longs stipes chenus, découronnés à leur cime, et avec l’air, le soleil pénétra à flots jusqu’à ce sol humide qu’il n’avait peut-être jamais caressé.

Il n’était pas un de ces arbres qui ne pût être employé à quelque ouvrage de force, charpente ou grosse menuiserie. Là poussaient, comme des colonnes d’ivoire cerclées de brun, quelques-uns de ces palmiers à cire, hauts de cent vingt pieds, larges de quatre à leur base, et qui donnent un bois inaltérable ; là, des châtaigniers à aubier résistant, qui produisent des noix tricornes ; là, des « murichis », recherchés pour le bâtiment, des « barrigudos », mesurant deux toises à leur renflement qui s’ac-