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un hivernage dans les glaces.

quelque courage à Penellan. Le timonier se dit que cette pauvre enfant ne pouvait être destinée à une mort aussi horrible !

« Eh bien ! dit la jeune fille, vous avez donc fait trop de feu ? La chambre est pleine de fumée !

— Oui … oui … répondit le timonier en balbutiant.

— On le voit bien, reprit Marie, car il ne fait pas froid, et il y a longtemps même que nous n’avons éprouvé autant de chaleur ! »

Personne n’osa lui apprendre la vérité.

« Voyons, Marie, dit Penellan, en brusquant les choses, aide-nous à préparer le déjeuner. Il fait trop froid pour sortir. Voici le réchaud, voici l’esprit-de-vin, voici le café. — Allons, vous autres, un peu de pemmican d’abord, puisque ce maudit temps nous empêche de chasser ! »

Ces paroles ranimèrent ses compagnons.

« Mangeons d’abord, ajouta Penellan, et nous verrons ensuite à sortir d’ici ! »

Penellan joignit l’exemple au conseil et dévora sa portion. Ses compagnons l’imitèrent et burent ensuite une tasse de café brûlant, ce qui leur remit un peu de courage au cœur ; puis, Jean Cornbutte décida, avec une grande énergie, que l’on allait tenter immédiatement les moyens de sauvetage.

Ce fut alors qu’André Vasling fit cette réflexion :

« Si la tempête dure encore, ce qui est probable, il faut que nous soyons ensevelis à dix pieds sous la glace, car on n’entend plus aucun bruit au dehors ! »

Penellan regarda Marie, qui comprit la vérité, mais ne trembla pas.

Penellan fit d’abord rougir à la flamme de l’esprit-de-vin le bout de son bâton ferré, qu’il introduisit successivement dans les quatre murailles de glace, mais il ne trouva d’issue dans aucune. Jean Cornbutte résolut alors de creuser une ouverture dans la porte même. La glace était tellement dure que les coutelas l’entamaient difficilement. Les morceaux que l’on parvenait à extraire encombrèrent bientôt la hutte. Au bout de deux heures de ce travail pénible, la galerie creusée n’avait pas trois pieds de profondeur.

Il fallut donc imaginer un moyen plus rapide et qui fût moins susceptible d’ébranler la maison, car plus on avançait, plus la glace, devenant dure, nécessitait de violents efforts pour être entamée. Penellan eut l’idée de se servir du réchaud à esprit-de-vin pour fondre la glace dans la direction voulue. C’était un moyen hasardeux, car si l’emprisonnement venait à se prolonger, cet esprit-de-vin, dont les marins n’avaient qu’une petite quantité, leur ferait défaut au moment de préparer le repas. Néanmoins, ce projet obtint l’assentiment de tous, et il fut mis à exécution. On creusa préalablement un trou de trois pieds de