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à quinze milles du cap bathurst.

moyen. Si cette observation était juste, — et il n’existait aucune raison de mettre en doute la véracité des observateurs, — le lieutenant Hobson devait forcément se demander comment il se faisait que l’Océan, gonflé sous l’action de la lune, n’envahît pas ce littoral peu élevé au-dessus du niveau de la mer, puisque aucun obstacle, ni dune, ni extumescence quelconque du sol, ne s’opposait à la propagation des eaux ; comment il se faisait que ce phénomène des marées n’entraînât pas la submersion complète du territoire jusqu’aux limites les plus reculées de l’horizon, et ne provoquât pas la confusion des eaux du lac et de l’océan Glacial ? Or il était évident que cette submersion ne se produisait pas, et ne s’était jamais produite.

Jasper Hobson ne put donc s’empêcher de faire cette remarque, ce qui amena sa compagne à lui répondre que, sans doute, quoi qu’on en eût dit, les marées étaient insensibles dans l’océan Glacial arctique.

« Mais au contraire, madame, répondit Jasper Hobson, tous les rapports des navigateurs s’accordent sur ce point, que le flux et le reflux sont très prononcés dans les mers polaires, et il n’est pas admissible que leur observation soit fausse.

— Alors, monsieur Hobson, reprit Mrs. Paulina Barnett, veuillez m’expliquer pourquoi les flots de l’Océan ne couvrent point ce pays, qui ne s’élève pas à dix pieds au-dessus du niveau de la basse mer ?

— Eh, madame ! répondit Jasper Hobson, voilà précisément mon embarras, je ne sais comment expliquer ce fait. Depuis un mois que nous sommes sur ce littoral, j’ai constaté et à plusieurs reprises que le niveau de la mer s’élevait d’un pied à peine en temps ordinaire, et j’affirmerais presque que dans quinze jours, au 22 septembre, en plein équinoxe, c’est-à-dire au moment même où le phénomène atteindra son maximum, le déplacement des eaux ne dépassera pas un pied et demi sur les rivages du cap Bathurst. Du reste, nous le verrons bien.

— Mais enfin, l’explication, monsieur Hobson, l’explication de ce fait, car tout s’explique en ce monde ?

— Eh bien, madame, répondit le lieutenant, de deux choses l’une : ou les navigateurs ont mal observé, ce que je ne puis admettre quand il s’agit de personnages tels que Franklin, Parry, Ross et autres, — ou bien, les marées sont nulles spécialement sur ce point du littoral américain, et peut-être pour les mêmes raisons qui les rendent insensibles dans certaines mers resserrées, la Méditerranée entre autres, où le rapprochement des continents riverains et l’étroitesse des pertuis ne donnent pas un accès suffisant aux eaux de l’Atlantique.

— Admettons cette dernière hypothèse, monsieur Jasper, répondit Mrs. Paulina Barnett.