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deux coups de feu.

inférieur à la zibeline, dont la riche fourrure est noirâtre en hiver ; mais cette zibeline ne fréquente que les régions septentrionales de l’Europe et de l’Asie jusqu’au Kamtchatka, et ce sont les Sibériens qui lui font la chasse la plus active. Néanmoins, sur le littoral américain de la mer arctique se rencontraient d’autres martres, dont les peaux ont encore une très grande valeur, telles que le vison et le pékan, autrement dits « martres du Canada ».

Ces martres et ces visons, pendant le mois de septembre, ne fournirent à la factorerie qu’un petit nombre de fourrures. Ce sont des animaux très vifs, très agiles, au corps long et souple, qui leur a valu la dénomination de « vermiformes ». Et, en effet, ils peuvent s’allonger comme un ver, et conséquemment se faufiler par les plus étroites ouvertures. On comprend donc qu’ils puissent échapper aisément aux poursuites des chasseurs. Aussi, pendant la saison d’hiver, les prend-on plus facilement au moyen de trappes. Marbre et Sabine n’attendaient que le moment favorable de se transformer en trappeurs, et ils comprenaient bien qu’au retour du printemps, ni les visons ni les martres ne manqueraient dans les magasins de la Compagnie.

Pour achever l’énumération des pelleteries dont le fort Espérance s’enrichit pendant ces expéditions, il convient de parler des renards bleus et des renards argentés, qui sont considérés sur les marchés de Russie et d’Angleterre comme les plus précieux des animaux à fourrure.

Au-dessus de tous se place le renard bleu, connu zoologiquement sous le nom d’isatis. Ce joli animal est noir de museau, cendré ou blond foncé de poil, et nullement bleu, comme on pourrait le croire ; son pelage très long, très épais, très moelleux, est admirable et possède toutes les qualités qui constituent la beauté d’une fourrure : douceur, solidité, longueur du poil, épaisseur et couleur. Le renard bleu est incontestablement le roi des animaux à fourrure. Aussi sa peau vaut-elle six fois le prix de toute autre peau, et un manteau appartenant à l’empereur de Russie, fait tout entier avec des peaux du cou de renard bleu, qui sont les plus belles, fut-il estimé, à l’exposition de Londres, en 1851, trois mille quatre cents livres sterling[1].

Quelques-uns de ces renards avaient paru aux environs du cap Bathurst, mais les chasseurs n’avaient pu s’en emparer, car ces carnivores sont rusés, agiles, difficiles à prendre, mais on réussit à tuer une douzaine de renards argentés dont le pelage, d’un noir magnifique, est pointillé de blanc. Quoique la peau de ces derniers ne vaille pas celle des renards bleus, c’est encore une riche dépouille, qui trouve un haut prix sur les marchés de l’Angleterre et de la Russie.

  1. 85 000 francs.