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le pays des fourrures.

lière… Ou plutôt, je ne conclus pas… je n’explique pas… je ne comprends pas… et… je suis inquiet ! »

Mrs. Paulina Barnett ne pressa pas davantage le lieutenant Hobson. Évidemment, cette absence totale de marée était inexplicable, extra-naturelle, comme le serait l’absence du soleil au méridien à l’heure de midi. À moins que le tremblement de terre n’eût tellement modifié la conformation du littoral et des terres arctiques… Mais cette hypothèse ne pouvait satisfaire un sérieux observateur des phénomènes terrestres.

Quant à penser que le lieutenant se fût trompé dans son observation, ce n’était pas admissible, et ce jour-là même — 6 juillet — Mrs. Paulina Barnett et lui constatèrent, au moyen de repères marqués sur le littoral, que la marée, qui, il y a un an, se déplaçait au moins d’un pied en hauteur, était maintenant nulle, tout à fait nulle !

Le secret sur cette observation fut gardé. Le lieutenant Hobson ne voulait pas, et avec raison, jeter une inquiétude quelconque dans l’esprit de ses compagnons. Mais souvent ils pouvaient le voir, seul, silencieux, immobile, au sommet du cap, observer la mer libre alors, qui se développait sous ses regards.

Pendant ce mois de juillet, la chasse des animaux à fourrures dut être suspendue. Les martres, les renards et autres avaient déjà perdu leur poil d’hiver. On se borna donc à la poursuite du gibier comestible, des caribous, des lièvres polaires et autres, qui, par un caprice au moins bizarre — Mrs. Paulina Barnett le remarqua elle-même, — pullulaient littéralement aux environs du cap Bathurst, bien que les coups de fusil eussent dû peu à peu les en éloigner.

Au 15 juillet, la situation n’avait pas changé. Aucune nouvelle du fort Reliance. Le convoi attendu ne paraissait pas. Jasper Hobson résolut de mettre son projet à exécution et d’aller au capitaine Craventy, puisque le capitaine ne venait pas à lui.

Naturellement, le chef de ce petit détachement ne pouvait être que le sergent Long. Le sergent aurait désiré ne pas se séparer du lieutenant. Il s’agissait, en effet, d’une absence assez prolongée, car on ne pouvait revenir au fort Espérance avant l’été prochain, et le sergent serait forcé de passer la mauvaise saison au fort Reliance. C’était donc une absence de huit mois au moins. Mac Nap ou Raë aurait certainement pu remplacer le sergent Long, mais ces deux braves soldats étaient mariés. D’ailleurs, Mac Nap, maître charpentier, et Raë, forgeron, étaient nécessaires à la factorerie, qui ne pouvait se passer de leurs services.

Telles furent les raisons que fit valoir le lieutenant Hobson et auxquelles le sergent se rendit « militairement ». Quant aux quatre soldats qui de-