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une communication de jasper hobson.

l’île. Un jour, ils allèrent au cap Michel, un autre à l’angle de l’ancienne baie des Morses, désireux de savoir si le passage était praticable, soit pour le continent américain, soit pour le continent asiatique, et si le départ pouvait être arrêté.

Or, la surface du champ de glace était couverte de flaques d’eau, et, en de certains endroits, criblée de crevasses qui eussent immanquablement arrêté la marche des traîneaux. Il ne semblait même pas qu’un voyageur pût se hasarder à pied dans ce désert, presque aussi liquide que solide. Ce qui prouvait bien qu’un froid insuffisant et mal réglé, une température intermittente, avaient produit cette solidification incomplète, c’était la multitude de pointes, de cristaux, de prismes, de polyèdres de toutes sortes qui hérissaient la surface de l’icefield, comme une concrétion de stalactites. Il ressemblait plutôt à un glacier qu’à un champ, ce qui eût rendu la marche excessivement pénible, au cas où elle aurait été praticable.

Le lieutenant Hobson et le sergent Long, s’aventurant sur l’icefield, firent ainsi un mille ou deux dans la direction du sud, mais au prix de peines infinies et en y employant un temps considérable. Ils reconnurent donc qu’il fallait encore attendre, et ils revinrent très désappointés au fort Espérance.

Les premiers jours de novembre arrivèrent. La température s’abaissa un peu, mais de quelques degrés seulement. Ce n’était pas suffisant. De grands brouillards humides enveloppaient l’île Victoria. Il fallait pendant toute la journée tenir les lampes allumées dans les salles. Or, cette dépense de luminaire aurait dû être précisément très modérée. En effet, la provision d’huile était fort restreinte, car la factorerie n’avait point été ravitaillée par le convoi du capitaine Craventy, et, d’autre part, la chasse aux morses était devenue impossible, puisque ces amphibies ne fréquentaient plus l’île errante. Si donc l’hivernage se prolongeait dans ces conditions, les hiverneurs en seraient bientôt réduits à employer la graisse des animaux, ou même la résine des sapins, afin de se procurer un peu de lumière. Déjà, à cette époque, les jours étaient excessivement courts, et le soleil, qui ne présentait plus au regard qu’un disque pâle, sans chaleur et sans éclat, ne se promenait que pendant quelques heures au-dessus de l’horizon. Oui ! c’était bien l’hiver, avec ses brumes, ses pluies, ses neiges, l’hiver, — moins le froid !

Le 11 novembre, ce fut fête au fort Espérance, et ce qui le prouva, c’est que Mrs. Joliffe servit quelques « extra » au dîner de midi. En effet, c’était l’anniversaire de la naissance du petit Michel Mac Nap. L’enfant avait juste un an, ce jour-là. Il était bien portant et charmant avec ses cheveux blonds bouclés et ses yeux bleus. Il ressemblait à son père, le maître charpentier,